La chute finale – L’édito de Patrice Chabanet
Le pouvoir central était sans doute plus vermoulu que les pires des scenarii l’avaient envisagé. Kaboul n’a pas esquissé le moindre geste de défense face à l’avancée des talibans. Ces derniers ont commencé hier à occuper certains districts de la ville. Ils se veulent magnanimes en affichant leur volonté d’assurer une transition « pacifique ». Foutaises démenties par leur conduite passée quand ils étaient au pouvoir et par les premiers témoignages sur l’ordre qu’ils imposent de nouveau dans les villes qu’ils viennent de conquérir. Le fondamentalisme modéré n’existe que dans l’esprit de ceux qui veulent y croire. Les Afghans, surtout les femmes, devront donc s’habituer à la rudesse moyenâgeuse de la charia, Les plus fortunés échapperont à l’enfer en s’exilant. Le président afghan, lui-même, qui annonçait voilà quelques jours une résistance acharnée de l’armée régulière a pris la poudre d’escampette.
La priorité des Occidentaux est de protéger leurs nationaux sur place avant leur rapatriement. C’est le moins qu’on puisse attendre d’eux, surtout des Américains qui voient aujourd’hui les talibans parader dans du matériel made in USA prélevé sur les vaincus. Un camouflet. Mais déjà se profile aux Etats-Unis une polémique sur le repli jugé précipité de leurs troupes. Eternel débat sur le bon tempo. Depuis qu’Obama, suivi de Trump et de Biden, a décidé de mettre fin aux opérations extérieures, l’Amérique n’avait pas d’autres choix que des solutions bancales : partir trop tôt, ou partir trop tard. Le reste appartient aux polémiques politiciennes. Plus important, à terme, sera de tirer les leçons d’une si longue intervention. Pratiquement 20 ans sans résultat (ne parlons pas de la culture du pavot demeurée étrangement à l’abri de la guerre). Il reviendra désormais aux Afghans de se révolter, s’ils le jugent nécessaire. Le voudront-ils? La question mérite d’être posée.