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Stupéfiante réalité

Rompus aux affaires de trafic de stupéfiants, juge, assesseurs et procureur ont entendu, quatre heures durant, les témoignages de toxicomanes impliqués dans un réseau de petits consommateurs du Sud haut-marnais. Peines de sursis avec mise à l’épreuve et prison ferme ont sanctionné les douze prévenus.

 

Il n’est pas un mois sans affaire de trafic de stupéfiants… En l’espace de quelques décennies, le cliché du beatnik déambulant cheveux au vent, guitare en mains et pétard au bec a laissé place à une toute autre réalité. Particulièrement perceptible en Haute-Marne, l’augmentation de la consommation de drogues dures touche un nombre graduel de jeunes issus de différents milieux. Les opiacés et leurs dérivés ont ainsi gagné les zones rurales. Favorisée par une explosion de la production sur le sol afghan, l’héroïne est devenue bon marché, le prix du gramme chutant sous la barre des dix euros aux Pays-Bas, principale plaque tournante alimentant le marché européen. Conscients de la puissance addictive des opiacés, les trafiquants privilégient depuis plusieurs années le commerce de drogues dures, la cession de cannabis assurant des revenus plus limités.

L’affaire présentée, mardi matin, devant le tribunal correctionnel ressemble à tant d’autres. Au cours de plus de quatre heures d’instruction, huit des douze prévenus ont fait état de parcours distincts. Tombée dans l’héroïne, Dolores Haze a débuté une nouvelle vie. Sevrée, la jeune femme envisage sereinement son avenir. Marquée par les décès de parents partis trop tôt, Christiane Felscherinow portera à jamais les stigmates de plus de dix ans de toxicomanie. Pesant 41 kilos le jour de son arrestation, la jeune femme s’est présentée amoindrie et tremblante à la barre. Une force s’est toutefois dégagée des propos d’une trentenaire réduite à jouer un rôle d’intermédiaire afin de gagner quelques traces d’héroïne. Cheminot, Mark Renton a préféré quitter la Haute-Marne. Le prévenu a retrouvé David Murphy en salle d’audience. Les amis d’enfance se sont déchirés, l’un accusant l’autre d’avoir effectué dix voyages aux Pays-Bas. Intérimaire dans une entreprise langroise, Simon Williamson était également un adepte des aller-retours à Maastricht. «J’ai commencé par prendre de l’héroïne le week-end, puis j’ai consommé un ou deux grammes par jour avec des pics à quatre ou cinq grammes, témoignait le prévenu. Tout mon salaire y passait, j’étais endetté. J’achetais l’héroïne à Nancy et Chaumont. J’ai également été aux Pays-Bas» Achetée entre sept et dix euros le gramme, une partie de l’héroïne était revendue 40 euros le gramme afin de financer les voyages. «Le reste me permettait de tenir deux mois», confiait le prévenu.

Sursis avec mise à l’épreuve et prison ferme

Au total, plusieurs kilos d’héroïne auront été consommés sur les secteurs de Langres et Chalindrey, chacun dépannant l’autre de quelques traces ou de médicaments de substitution permettant de supporter les rares, courtes et douloureuses périodes de pénurie. Arrêtés les 16 et 17 octobre 2010 suite à une importante vague d’interpellations lancée par les gendarmes de la Haute-Marne du Sud, toutes et tous ont tenté de minimiser leur implication. Certains auront vu en une arrestation une étape cruciale susceptible de les conduire au strict respect d’un traitement aboutissant à un sevrage total. Toujours confrontés à l’addiction, d’autres auront préféré accabler les “balances” à l’origine du démantèlement d’un énième réseau de consommateurs abrutis par la puissance destructrice de l’héroïne.

Profitant de casiers vierges – ou presque -, Simon Williamson, Dolores Haze, Mark Renton, Francis Begbie, William Lee, Ben Fagan, Christiane Felscherinow, David Murphy, Henry Wotton et Vadim Maslennikov ont été condamnés à des peines assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve. Toutes et tous devront respecter, durant deux ans, des obligations de soins, de travail ou de formation. Déjà connus de la Justice pour des faits en rapport avec les stupéfiants, Irwin Garden et David Wain ont respectivement été condamnés à quinze mois de prison – dont trois mois assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve – et huit mois ferme.

 

«Une véritable impuissance face à ce fléau»

Si le passage du cannabis à l’héroïne demeure courant, le premier rapport aux stupéfiants se matérialise de plus en plus souvent par une consommation initiatique de drogues dures. Adolescents et jeunes adultes tombent ainsi directement dans l’enfer de l’héroïne. Entre 500 et 1 000 Haut-Marnais seraient ainsi sujets à une profonde addiction, aucune estimation fiable ne pouvant traduire l’ampleur d’une réalité longtemps occultée par les autorités.

A l’image de la création du Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues (CAARUD) et des actions d’aide ou d’information portées par diverses structures ou associations, des solutions ont été apportées. Elles demeurent toutefois limitées, de nombreux toxicomanes souffrant des carences matérielles et humaines des structures d’aide et d’accompagnement.

Faisant écho au projet de dépénalisation des drogues douces soutenu par Daniel Vaillant et une minorité de parlementaires, Me Charlot a agrémenté sa plaidoirie de considérations témoignant de la complexité d’un grave problème de société. «Au durcissement du système judiciaire et répressif s’oppose le laxisme observé aux Pays-Bas, a souligné l’avocat. La répression exercée en France a des résultats limités. Je note également une certaine ambiguïté quant à la prise en charge des toxicomanes. Des médecins généralistes prescrivent des traitements de substitution, mais aucun véritable suivi n’est mis en place. Les structures d’aide et d’accompagnement sont également insuffisantes. Les différents problèmes liés à la toxicomanie seront certainement évoqués dans le cadre de la campagne pour la prochaine élection présidentielle. Le débat doit être ouvert !»

 

Note : Le thème de la toxicomanie et de la hausse de consommation de drogues dures ne fut à aucun moment abordé par un des principaux candidats à l’élection présidentielle au cours de la campagne électorale. Depuis l’élection de François Hollande, la prolifération de l’héroïne demeure un sujet mineur. Le président de la République a, en outre, écarté le projet de légalisation contrôlée de la consommation de drogues douces porté par Daniel Vaillant.

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