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Affaire Forget Dernière journée

Bernard Forget condamné à dix ans de réclusion

Déclaré coupable de viol, agressions sexuelles aggravées et agressions sexuelles, Bernard Forget a été condamné à dix ans de réclusion, hier, au terme de plus de deux heures de délibéré. Marquées par quatre jours de procès des plus éprouvants, les nombreuses victimes présentes en salle d’audience ont affiché leur soulagement.

 

«Après avoir effectué trois ans de détention provisoire, nous avions peur que Bernard Forget sorte libre du tribunal. Le viol d’une des nombreuses victimes a été reconnu et nous sommes soulagés. Ces dix ans de prison n’effaceront pas les souffrances endurées par nos enfants» : après quatre jours de procès marqués par les nombreux témoignages de victimes abusées par Bernard Forget, une mère de famille pouvait afficher une satisfaction à jamais atténuée par le traumatisme psychologique enduré par un jeune homme meurtri avant l’âge.

En leur âme et conscience, huit hommes et une femme ont déclaré Bernard Forget coupable de viol, agressions sexuelles aggravées et agressions sexuelles. Conforme aux réquisitions de l’avocat général – 8 à 10 ans de réclusion -, ce verdict a mis un terme à un procès marqué par d’intenses débats quant à la gravité des faits imputés à l’accusé. Concédant avoir commis des agressions sexuelles, Bernard Forget a bel et bien violé un adolescent : telle est la certitude des jurés.

Suspecté de s’être livré à des actes pédophiles dès la fin des années 1970, Bernard Forget a fait face à ses propres déviances, plusieurs victimes dénonçant les sévisses sexuels imposés par une homme «intelligent» et «manipulateur» en qui parents et enfants voyaient un véritable bienfaisant. La face cachée d’une homme aux comportements ambivalents a surgi au fil de quatre jours de procès particulièrement éprouvants.

Suivi socio-judiciaire

En avouant – à demi-mot – plusieurs agressions sexuelles, Bernard Forget espérait échapper aux faits les plus graves. Les jurés auront finalement reconnu le viol d’une des victimes, l’ancien huissier de justice chaumontais tombant ainsi sous le coup d’une lourde peine. Les doutes émis par Maître Dupond-Moretti n’auront pas convaincu le jury, ce dernier ne tenant pas compte des troubles érectiles de l’accusé mis en évidence par des expertises médicales forgeant l’argumentaire d’un ténor du barreau au comportement exemplaire.

Condamné à dix ans de prison, Bernard Forget a été transféré, hier soir, vers la maison d’arrêt de Dijon. A la peine d’emprisonnement s’ajoute un suivi socio-judiciaire des plus stricts. Au terme de sa période de détention, l’ancien homme de loi devra notamment respecter une obligation de soins sous le contrôle d’un juge d’application des peines. Inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAISV), Bernard Forget devra également indemniser les différentes parties civiles à hauteur de 48 000 euros. Une somme insignifiante au regard des souffrances et du traumatisme endurés par des victimes à jamais marquées par la trahison et les violences infligées par un homme en qui ils pensaient trouver assistance et humanité.

 

«Maman, ça ne partira jamais…»

Profitant de son statut social et de son entregent, Bernard Forget se plaisait à venir en aide à des personnes en difficulté afin d’assouvir ses fantasmes. Machiavélique, l’ancien huissier de justice était également parvenu à gagner la confiance d’un couple inséré et équilibré, un homme et une femme tombés des nues suite à l’arrestation d’un homme particulièrement apprécié. «Nous étions amis, nous nous recevions chez l’un ou chez l’autre, nos enfants allaient à l’école ensemble et nous avons été très proches de Bernard Forget et de son épouse de 1997 à 2005, souligne la mère d’une victime. Nous nous appréciions beaucoup et nous avions une totale confiance en Me Forget, au point de lui confier notre fils de temps à autre. Mon ancien mari et moi étions souvent absents pour des raisons professionnelles, il y avait beaucoup d’enfants au domicile de Bernard Forget, j’en ai retrouvé certains aujourd’hui, ses propres enfants n’étaient pas scolarisés, mais nous n’étions pas du genre à juger. J’ai découvert l’arrestation de Bernard Forget en 2008 lorsqu’une connaissance m’avait fait parvenir une coupure de presse. Je ne me doutais de rien, la police a auditionné différents enfants habitués à se rendre chez le couple Forget et mon fils s’est confié aux policiers. J’ai eu énormément de mal à réaliser. Bernard Forget a imposé des masturbations et des fellations à mon fils : telle est la réalité. Nous n’avons jamais pu en parler, la peur, la douleur et la honte étaient trop fortes, mais un jour, mon fils m’a dit : “Maman, ça ne partira jamais”. Dépasser le sentiment de honte et de culpabilité est très difficile pour un adolescent. Je me sens également coupable en tant que mère. Comme l’a dit un jeune homme de 30 ans abusé à l’âge de 15 ans, ces agressions restent gravées à vie. Bernard Forget a mis les gamins dans un filet et il l’a refermé. Les petits bisous du début ont vite laissé place à d’autres pratiques. Bernard Forget a été jusqu’à profiter du cancer d’une mère de famille pour abuser des enfants de cette femme. Deux de ses propres enfants ont également été victimes d’agressions sexuelles. Cet homme est un manipulateur de haute volée, il a profité de son emprise psychologique sur parents et enfants. J’ai été très surprise de l’attitude de sa femme. Tout porte à penser qu’elle était au courant de la perversité de son mari, mais, au-delà d’une dépendance financière, je pense qu’elle était et demeure sous l’emprise intellectuelle de son mari. Bernard Forget n’a fait que trouver des excuses de gamin au cours de ce procès, cet homme ne vit pas dans la réalité et son attitude a été très blessante. Seul son avocat a été capable de demander pardon aux victimes ! Ce que nous avons entendu durant ce procès est à vomir, mais ce procès a été positif. Notre douleur a été prise en compte. Tant qu’on ne vit pas ce genre de choses, on ne peut pas comprendre. Mon fils poursuit ses études, il a le comportement sexuel d’une jeune homme de 21 ans, mais il n’oubliera jamais. Personnellement, je me sens également coupable d’avoir eu confiance en Bernard Forget, d’avoir laissé mon fils entrer chez lui et de n’avoir eu aucun soupçon. Notre vie ne sera plus jamais la même.»

 

Me Gambini : «Mes clients sont soulagés»

Journal de la Haute-Marne : Le viol subi par une des victimes a été retenu et Bernard Forget a ainsi pu être condamné à dix ans de prison. Comment avez-vous accueilli cette décision ?

Maître Gambini : «Avec soulagement, surtout pour mes clients ! Je suis une technicienne du droit, je ne suis pas directement impliquée, mais mes clients sont soulagés même si ils ne réalisent pas encore complètement. Il leur faudra quelques jours pour réaliser que leurs paroles ont véritablement été prises en compte.»

 

JHM : L’avocat général avait sollicité une peine de prison de 8 à 10 ans et les jurés ont suivi ces réquisitions. La crainte de voir Bernard Forget ne pas retourner derrière les barreaux après trois ans de détention provisoire n’a plus lieu d’être…

Me G : «Le verdict participe à la reconnaissance de ce que les victimes et le jeune homme violé par Bernard Forget ont subi. Ces personnes peuvent se dire qu’elles ne verront plus Bernard Forget pendant “x” années en Haute-Marne.»

 

JHM : Ce procès a été mené à huis-clos, mais plusieurs personnes ont fait état d’un profond malaise suscité par la décontraction de Bernard Forget. Comment vos clients ont-ils vécu ce détachement ?

Me G : «Assez difficilement ! Un des mes clients était la victime des faits les plus graves et sa crédibilité a été la plus attaquée. Il s’est senti malmené et la reconnaissance de culpabilité le soulage. Me Dupond-Moretti a été très correct, je tiens à le souligner parce que ce n’est pas toujours le cas, mais Bernard Forget a tenté de malmener mon client et cette attitude a été blessante. Une seule victime de viol a pris part à ce procès et Bernard Forget a tout fait pour le décridibiliser. Bernard Forget a cristallisé les attaques les plus dures sur cette victime.»

 

Me Dupond-Moretti : «La cour d’assises n’a pas douté»

Journal de la Haute-Marne : Quel est votre sentiment quelques minutes après l’annonce du verdict ?

Maître Dupond-Moretti : «Contrairement à d’autres procès, ce procès a été placé sous l’aune du raisonnable. Les parties civiles ne sont pas tombées dans la surenchère, l’avocat général a prononcé un réquisitoire mesuré, j’ai essayé de contester un fait, cette contestation n’a pas été retenue par la cour d’assises et dès lors nous sommes au maximum des réquisitions. Il y a donc une forme de logique et de cohérence dans la décision de la cour d’assises. Nous allons réfléchir à un éventuel appel. Les parties civiles n’ont sans doute pas envie de revivre un autre procès et Bernard Forget va peut-être accepter cette décision. L’acceptation de cette décision me semble en bonne voie, mais je ne peux pas vous en dire davantage à l’instant précis.»

 

JHM : Regrettez-vous que ce procès se soit déroulé à Chaumont, ville où Bernard Forget était connu de nombreuses personnes, dont des hommes de loi ?

Me D-M. : «Oui, je le regrette, non pas dans une défiance à l’égard des magistrats puisque la plupart d’entre eux ne connaissaient pas Bernard Forget, mais humainement, il était difficile pour lui de libérer sa parole dans le sens où il se sentait un peu chez lui. Cette présence dans cette salle d’audience n’est pas neutre, elle renforce cette idée de chute. Ne pas faire partie du sérail judiciaire, ne pas avoir vécu dans la ville où on est jugé, ne pas être jugé dans un tribunal où on a rempli les fonctions de huissier de cour d’assises aurait pu permettre à mon client de se libérer. Dans un autre lieu, les choses auraient pu être plus simples.»

 

JHM : Aux dires de nombreuses personnes, votre client a fait preuve d’une certaine décontraction…

Me D-M. : «Vous ne pouvez pas dire ça, ce n’est pas vrai ! Dans les affaires de cette nature, la position de l’accusé est particulièrement difficile d’autant plus quand on a une sexualité problématique. Au sens propre comme au sens figuré, ou presque, il faut se mettre à poil et parler de sa sexualité, de son passé… Ce n’est facile pour personne, ce n’est pas facile pour les victimes et ce n’est pas non plus facile pour l’accusé. On ne peut pas parler de décontraction, absolument pas ! Il y a chez Bernard Forget une attitude de blocage le poussant à ne pas dire les choses, ça je veux bien l’entendre.»

 

JHM : Un viol a été reconnu. Quels éléments pouvaient, selon vous, mettre en doute la réalité de ce viol ?

Me D-M. : «Le fait que le plaignant ait eu deux versions différentes, le fait qu’aucune constation médicale ne puisse permettre l’existence d’une sodomie, les légistes ont été très clairs et le fait que des éléments médicaux prouvent que Bernard Forget ait des troubles de l’érection. Le doute aurait pu exister. La cour d’assises n’a pas douté.»

 

Note : Bernard Forget a fait appel du verdict.

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