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Lait en Haute-Marne : « à la veille de voir disparaître tout l’élevage »

La fédération des producteurs de lait de Haute-Marne a tenu alerter le Préfet sur la situation des éleveurs. Les charges en augmentation grignotent la légère augmentation du prix du lait. La loi Egalim a été détournée et les cessations d’activité continuent. Explications.

Depuis le début de l’année, quinze exploitations laitières ont cessé leur activité en Haute-Marne. Ils ne sont plus que 410 alors qu’ils étaient 3 400 en 1980 ! Pour alerter sur la situation des éleveurs laitiers qui ne s’en sortent toujours pas, la FDPL Haute-Marne a donné rendez-vous à Joseph Zimet, le Préfet, aux représentants de la DDT et aux élus au Gaec de Stron, à Darmannes.

Caroline Guillaume, la directrice du syndicat, traduit cette difficulté avec la baisse de la production de lait en France sur un an (-0,8 %), sur le Grand Est (-2,4 %) et surtout en Haute-Marne (-3,2 %). En septembre, la baisse est de 4,5 %.

L’une des explications à cette dérive est, comme le dit Florent Cressot, président de la FDPL, est les charges d’exploitation qui « pèsent lourdement ». Les marges dégagées sont désormais en dessous de 85 € les 1 000 l alors que les années passées, elles étaient au-dessus de 100 €.

Les ratés de la loi Egalim

L’autre explication est du côté de la loi Egalim de 2018 qui devait prendre en compte les coûts de production des éleveurs dans l’élaboration du prix du lait et qui n’a porté ses fruits que partiellement en 2019 avant d’être détournée.

Florent Cressot explique les augmentations actuelles ne viennent pas du marché français, que les organisations de producteurs n’arrivent pas à passer de hausses et que le système « permet de couvrir les charges des industriels mais pas celles des agriculteurs ».

Le gouvernement et le Parlement sont en train de finaliser Egalim 2 avec, pour le président de la FDPL, « l’espoir de passer des hausses pour les agriculteurs ». Problème : dans les couloirs du Parlement, il se chuchote que les industriels ont déjà trouvé la parade pour détourner la loi.Pourtant, dans Egalim 2, sont prévus des contractualisations, des comités de gestion, l’intégration des marques distributeurs et des sanctions pour les industriels.

Des manifestations probables

Florent Cressot prévient : « si la loi n’est pas appliquée, nous irons dans les rues. Il en va de la souveraineté alimentaire prônée par Emmanuel Macron. Le prix payé dans les fermes permettra de renouveler les générations alors que nous sommes à la veille de voir disparaître tout l’élevage en France ».

Il insiste aussi sur la dimension sociale et économique des éleveurs. En Haute-Marne, un exploitant fait vivre 12 à 15 personnes. L’élevage laitier est créateur de 15 000 emplois dans les laiteries, les garages, les administrations…

Frédéric Thévenin

L’impasse du bio

Un milliard de litres de lait bio est produit en France chaque année avec des exploitations arrivées en fin de conversion. Problème : la consommation de lait bio diminue au profit des marques qui rétribuent les éleveurs et l’offre est supérieure à la demande. Du coup, les prix payés en ferme du bio baissent. Or, Florent Cressot l’affirme : « le bio pas cher n’existe pas du fait de charges incompressibles ». Plus grave encore : des entreprises de transformation dans le bio décrochent et stoppent cette filière.

Pas d’espoir en dessous de 500 € les 1 000 litres

Franck Boitteux produit du lait pour la fabrication AOP de l’Epoisses et Langres de Rians. Il connaît sa chance d’être en AOP même si celle-ci est menacée par les associations de consommateurs.

Malgré tout, l’éleveur est très inquiet face aux événements climatiques et la hausse phénoménale des charges. « Les trésoreries sont encore plus basses que l’an dernier. Même les jeunes exploitants sont prêts à arrêter, à changer de production, à produire de l’électricité. Les jeunes franchissent le pas que les générations précédentes n’ont pas osé faire, même en AOP ». En deçà de 500 € pour 1 000 litres, il ne donne pas cher de l’avenir du lait en Haute-Marne d’autant plus que la vie d’un éleveur est souvent incompatible avec une vie sociale et de couple normale.

Le combat des éleveurs de Savencia

Arnaud Laurent, vice-président de l’organisation de producteurs Sunlait, s’attache à défendre les producteurs de lait de Savencia (ex Bongrain) et qui, donc, livre leur lait à Illoud. Clairement, il se sent berner et explique pourquoi. « Avec la loi Egalim, nous avions proposé une formule de prix prenant en compte les ventes en France, celles à l’export et celles du beurre et de la poudre ».

Résultat : en 2019, les éleveurs de Savencia ont vu, effectivement, une hausse du prix de vente de leur lait. Problème : en 2020, tout s’est effondré avec la volonté de la laiterie d’aller vers le moins-disant ; c’est-à-dire Lactalis qui n’a pas joué le jeu de la loi Egalim. En fait, Savencia a considéré qu’elle ne pouvait pas être a seule à appliquer ses règles. Ainsi, les éleveurs ont perdu 15 €/ 1 000 l en 2020 après en avoir gagné 19.

Sunlait et Savencia sont désormais lancés dans un bras de fer avec des retards de négociations, des menaces de collectes partielles et des assignations pour non-respect du contrat laitier. Sunlait dénonce aussi l’entente illicite entre les laiteries même si elle est dissimulée.

Le Gaec de Stron

A Darmannes, le Gaec de Stron est dirigé par Agnès et Jean-Michel Aubertin. La ferme est debout depuis quatre générations et il est impossible de ne pas s’interroger sur son devenir. L’installation de la nouvelle génération est devenue incertaine. Par exemple, le couple avait un projet de transformation du lait en glace. Il a été reporté du fait de la conjoncture et d’investissements trop importants. Résultat : le Gaec possède trois ateliers en plus de travaux agricoles et est dans l’incapacité d’installer la nouvelle génération.

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