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La vie au fil de l’eau dans ma maison éclusière à Saint-Dizier

Cela fait plus de 30 ans que Christian Poinsot s’est installé dans la bâtisse qui jouxte l’écluse de Chamouilley. Agent des Voies navigables de France, qui gère le canal, il nous relate son quotidien.

C’est la plus jolie maison éclusière du canal entre Champagne et Bourgogne, sur le secteur de Saint-Dizier. Construite en retrait de l’écluse bleue de Chamouilley, entourée d’arbustes et de rosiers, bordée par l’eau du canal qui s’écoule doucement, elle attire l’oeil du promeneur. A voir ce cadre bucolique, on se dit que la vie dans ce type de maison doit s’avérer bien agréable.

Ce que ne démentirait pas Christian Poinsot. Cet agent de Voies navigables de France (VNF) savoure son plaisir depuis plus de 30 ans, lui qui a aménagé cet endroit en petit paradis. « Je suis entré au canal à l’âge de 16 ans, comme vacataire. J’ai été embauché en 1987, il y avait un poste d’éclusier à prendre car il y a une prise d’eau ici, ce qui m’obligeait à habiter dans la maison éclusière. J’avais envie d’autonomie, j’ai quitté les parents et je me suis installé », se souvient-il. Le jeune homme n’est pas dépaysé : « Mes parents étaient commerçants à Saint-Dizier et on passait tous les week-ends à Roches, j’ai donc traversé le pont ! ».

Les anciennes écuries datant du début du XXe siècle, quand les chevaux tiraient les bateaux.

Un canal vivant

Contraint d’habiter sur place, il ne paye pas de loyer mais la maison, à l’époque, ne ressemble pas à nos standards de confort. « Il n’y avait pas d’isolation, c’était plutôt une cabane. Je chauffais au bois, ça allait, les murs sont épais de 40 cm. Et puis, j’étais jeune, on faisait la fête », reconnaît-il.

En tant qu’éclusier, il ouvre et referme les vannes, gère l’administratif et le compteur à eau. « Les bateaux qui souhaitaient de l’eau, j’arrivais avec la pompe pour les recharger. C’était gratuit mais je devais relever le compteur pour VNF ». En cas de crue, il est aussi le premier à agir pour évacuer l’eau. Un métier qu’il fera peu de temps. Après l’automatisation des écluses, il rejoint le service entretien des espaces verts.

Christian fait le choix de rester dans sa petite maison, alors qu’il n’y est plus obligé, et doit donc s’acquitter d’un loyer modeste. « Il n’y a pas de voisins, c’est le top ! ». Certes, mais les bateaux, les marcheurs, les cyclistes…, ça fait quand même du monde qui passe, et ce tous les jours. « Je suis en retrait du chemin de halage, les troènes me cachent. Et puis, ça fait de la vie. La pire période pour nous, c’est l’hiver, avec le changement d’heure, le canal est vide. Pour ma femme, c’est monotone », explique-t-il. Quant à l’humidité et au verglas : « Le matin, à -2° C, c’est frais mais on vit à l’intérieur. Et quand il gèle, il faut rouler dans l’herbe et non pas sur le chemin ».

Au goût du jour

La cuisine a été remise au goût du jour, il y a trois ans.

Christian a de quoi s’occuper avec son grand terrain. Il y a planté de nombreux arbustes, un verger, une haie qui produit des baies pour les oiseaux, des fleurs, mis un barbecue, des jeux pour enfants… « L’été, on retire le banc, je mets de la musique et on danse », dit-il en désignant une terrasse installée sous les imposantes branches d’un arbre. Il a d’ailleurs récemment posé un toit vitré sur l’autre terrasse, à l’entrée de sa maison, et « je vais y installer des rideaux pour être protégé du vent ».

Un lieu de vie très cossu, avec une vue agréable.

La maison a aussi évolué. « Tous les ans, VNF passe demander si des travaux sont à effectuer. Le carrelage et l’isolation de la maison ont été refaits, un poêle à fioul a été installé. » Dernièrement, la cuisine a été refaite et Christian n’a pas hésité à mettre de sa poche. « Ils voulaient mettre du blanc partout, j’ai payé une partie pour que ce soit à notre goût », confie-t-il. Cette pièce, au parquet et à la crédence gris, affiche une décoration contemporaine. Derrière, avec les mêmes tons de couleur, il y a le salon. A l’étage, on trouve deux chambres, pour les parents et pour les trois enfants désormais partis. Au total, une surface de 70 m2 louée 280 €.

Dans 8 ans, Christian prendra sa retraite, il aimerait continuer à vivre dans sa maison éclusière. « Il y a 15 ans, j’avais déjà demandé au Ministère de l’acheter. Mais comme il n’y a pas d’accès direct, on me l’a refusé. Il faudrait que je tente encore… », dit-il sans trop y croire.

Marie-Hélène Degaugue

mh.degaugue@jhm.fr

Des bâtisses en sursis

La maison de l’écluse du guë, au numéro 56, est également habitée.

Les maisons éclusières, qui appartiennent à l’Etat et dont VNF en est le gestionnaire, sont réservées en priorité aux agents VNF. Si la maison est un logement dit « de Nécessité absolue de service (NAS) », car situé sur un secteur où la présence d’un agent est obligatoire, il n’y a pas de loyer à payer. « En compensation, treize astreintes annuelles sont exigées », explique Gérard Carbillet.

S’il s’agit d’un logement « en contrat d’occupation à titre précaire », l’agent peut occuper la maison en échange d’un loyer modique, différent selon sa localisation, il paye son électricité et ses charges. Un budget d’entretien est alloué chaque année pour les travaux. Un particulier peut aussi louer une maison, on parle là d’un « contrat d’occupation temporaire ».

Un panneau est installé sur chaque maison éclusière afin de situer sa localisation.

Hélas, de nombreuses maisons éclusières sont en sursis car, quand elles sont inoccupées, elles sont vite squattées, se délabrent, et doivent être détruites. « On essaye de se battre pour les sauvegarder », alerte le responsable mais VNF est confronté à une législation illogique.

En effet, il est interdit de louer ou de vendre à un particulier – comme un agent VNF à la retraite – une maison sans accès direct à la route. Pourtant, un agent VNF en activité peut l’occuper et donc circuler sur le chemin de halage, sans être considéré comme dangereux. Les préfecture et sous-préfecture n’ont pas souhaité s’expliquer sur ce paradoxe, ni indiquer si des dérogations seraient envisagées.

Des autorisations impossibles à obtenir

 A Mussey-sur-Marne, une personne se bat, depuis trois ans, pour acheter une maison éclusière sans accès direct. « Elle souhaite installer son atelier et créer une activité touristique pour le canal. Elle n’arrive pas à obtenir les autorisations », déplore Gérard Carbillet. Pour information, une maison éclusière est à louer, celle d’Hoericourt.

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