Insaisissables passeurs – L’édito de Patrice Chabanet
A minima, c’est toujours mieux que rien : Frontex va déployer, dès le 1er décembre, un avion pour lutter contre le trafic migratoire dans la Manche. Dans la ligne de mire des quatre ministres de l’Intérieur qui s’étaient réunis à Calais (sans les Britanniques pour cause de brouille) : les passeurs. Sur le fond, c’est un tout petit pas pour résoudre un problème ancien et insoluble. En amont, très loin de chez nous, le foutoir qu’est devenu le Proche-Orient et les menaces qui pèsent sur des minorités comme les Kurdes alimentent la machine à émigrer. Une machine largement pourvue par l’attractivité sociale de la Grande-Bretagne. Une aubaine pour les passeurs qui surfent sur cette offre et cette demande dans un marché du travail parallèle. Il faudra certainement plus d’un avion de surveillance pour tarir ces flux de la misère humaine. Comme dans l’économie dite normale, l’ajustement se fera par des coûts de passage plus élevés, au bénéfice des passeurs cela va sans dire. La répression ne parviendra pas à dissuader les candidats au départ et des passeurs âpres au gain.
Faut-il baisser les bras pour autant ? Certainement pas. Le propre de l’action politique est de trouver des solutions là où elles semblent impossibles. Dès hier, on a senti qu’après les foucades de Boris Johnson les Britanniques avaient mis un peu moins de pression dans leur bière. Ils sont maintenant disposés à négocier avec leurs homologues européens « pour éviter de nouvelles tragédies ». Soit. On peut craindre toutefois que les mécanismes de la diplomatie soient trop lents pour répondre à l’urgence. Les Britanniques ne sont pas prêts à modifier le fonctionnement de leur marché du travail qui permet d’occuper un emploi sans disposer de papiers d’identité. Quant à l’origine du mal, la décomposition du Proche-Orient, elle est là pour un moment. Les progrès, on l’aura compris, ne s’effectueront qu’à la marge.