Faire avec – L’édito de Patrice Chabanet
Pendant 15 ans son carnet de commandes était resté désespérément vide. Depuis 2015 les ventes du Rafale ont décollé. Elles ont même crevé un plafond, avec la signature d’un contrat avec les Emirats arabes unis : 80 appareils vendus. Un véritable carton commercial et un atout dans la manche de Macron. L’opinion publique retiendra surtout que c’est lui qui a signé le contrat, alors que les négociations avaient été entamées sous l’ère Sarkozy et poursuivies pendant le mandat de François Hollande. En matière de ventes d’armes, il n’y a ni gauche ni droite, mais la volonté de gagner des parts de marché, ce qui est bon pour l’emploi et la réputation de l’industrie française. Le poids du concret dans la balance de l’action politique, diplomatique en l’occurrence.
Un mauvais coup pour la morale, ont tout de suite réagi les écolos, Yannick Jadot en tête. Il est vrai que nos acheteurs ne sont pas des modèles de vertus démocratiques. Tout ce qui ressemble à une forme d’opposition est prétexte à emprisonnement, à tortures et, parfois, à assassinat. On l’a vu avec l’Arabie saoudite, où doit se rendre le chef de l’Etat. Ses services ont liquidé un journaliste de la manière la plus ignoble. Pour autant, s’interdire de vendre à ces pays des armes sophistiquées y élargirait-il le champ des libertés ? On peut en douter. En revanche, des concurrents pourraient nous souffler ces commandes juteuses. Après le mauvais coup porté par les Australiens dans l’affaire des sous-marins, la France aurait passé pour l’idiot utile du commerce international, et cela sans la contrepartie d’une avancée en matière de droits de l’Homme.
Disons à la fois modestement et cyniquement qu’il faut faire avec. Et émettre un espoir : que ces gros clients sauront nous aider dans la lutte antiterroriste. Il en ont les moyens.