Une autre paire de manche
Ce soir à 20 h 45 à Lisbonne, Français et Anglais se retrouvent pour leur premier match de cet Euro portugais. Un rendez-vous capital pour la suite de l’aventure européenne, durant laquelle les Bleus remettent leur titre, acquis il y a quatre ans, en jeu. Mais cette fois, sans Marcel Desailly.
S’il n’y a donc pas de surprise à attendre de la part des deux sélectionneurs dans l’organisation tactique, il reste encore quelques noms à définir dans les équipes titulaires. C’est ainsi que Marcel Desailly, insuffisamment remis de sa blessure au genou, ne devrait pas débuter la partie et qu’il reste une indécision quant à la titularisation de David Trezeguet aux côté de Thierry Henry, à la pointe de l’attaque tricolore. Côté britannique, seul John Terry (Chelsea) sera forfait (ischio- jambiers).
Deux groupes quasiment au complet qui permettront donc à cette “bande de copains” de la “Premier League” de se retrouver pour quelques duels intéressants, même si le plus attendu d’entre eux concernera pour- tant le face-à-face entre les deux “stars” du… Real Madrid : Zinedine Zidane et David Beckham.
Quoiqu’il en soit, ce soir, les Français pourraient entamer la rencontre avec pas moins de huit joueurs qui avaient remporté le trophée, il y a quatre an face à l’Italie. Le meilleur moyen de reprendre l’histoire là où les Bleus l’ont laissée, du côté de Rotterdam.
Les premiers tours de phase finale des compétitions internationales offrent souvent quelques « chocs » alléchants, mettant aux prises les meilleures nations en lice. L’Euro portugais n’échappe pas à cette régle immuable et, en attendant les premières luttes au couteau du « Groupe de la mort », entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la République tchèque, ou encore le « sulfu- reux » Espagne-Portugal du 20 juin prochain, ce sont bien Français et Anglais qui ouvriront le bal des favoris avec, dès ce soir (20 h 45), une entrée en matière des plus attendues entre deux pays phares du football européen.
Coiffés de leur couronne continentale, brillamment gagnée lors du dernier rendez-vous en Belgique et aux Pays-Bas il y a quatre ans, les Rois d’Europe tri- colores devront pourtant se méfier des « pions » de la Reine d’Angleterre, bien décidés à les mettre en échec, lors de cet entame de compétition.
Rivalité historique
Il faut dire que la domination anglaise sur son homologue française ne souffre guère de contestation depuis qu’ont commencé les hostilités footballistiques entre ces deux nations. Alors que Tousset, le 16 avril 1909, restera à jamais le premier joueur tricolore à avoir fait offense aux sujets de Sa Majesté, en faisant franchir le cuir au-delà de leur ligne de but, les Bleus auront tout de même pris leur temps et pas moins de 48 buts en quatre matches, avant de pouvoir tromper la vigilance adverse.
Dominant l’Europe du ballon rond en ce début de siècle, les initiateurs de ce jeu n’apprécient pas forcément d’être à la peine. Et lorsque l’élève dépasse pour la première fois le maître, le 5 mai 1921 (2-1), les Anglais ont tôt fait de rectifier le tir. Avec sept petites victoires (toutes obtenues en matches amicaux) et cinq nuls, contre 23 défaites (dont quatorze ont valu au moins quatre buts encaissés), la France fait assuré- ment partie des victimes préfé- rées du « onze » de la Reine.
Pire encore, les Bleus ne sont jamais parvenus à battre une sélection anglaise en phase finale de compétitions internationales. Battue à Wembley (Angleterre) lors du Mondial 66 (0-2) ou accrochée à Malmö (Suède) lors de l’Euro 92 (0-0), la France a même connu une situation similaire à celle de ce soir, en ouverture du Mondial 82 à Bilbao (Espagne). Les tricolores emmenés par Michel Platini, et qui n’avaient plus rencontré l’Angleterre depuis plus de 13 ans en match international, avaient subi la loi britannique (1-3), encaissant le but le plus rapide de l’histoire de la Coupe du Monde, après 27 secondes de jeu, par Brian Robson. Le ciel s’est cependant teinté de bleu pour la sélection française à quelques reprises, au cours de cette « série noire », et notamment le 10 janvier 1999, lors- qu’un « doublé » d’Anelka venait offrir l’unique victoire tricolore sur les terres du Royaume (2-0) : un véritable exploit !
Des liens se resserrent
Depuis, les choses ont considérablement évolué entre les deux pays. Toujours isolés sur leur île, les Anglais, à défaut de s’exporter, importent énormément de produits étrangers. Devenue l’un des plus en vue des cham- pionnats européens, la « Premier League » fait des envieux. Le Royaume-Uni est devenu la destination la plus prisée par les footballeurs tricolores. Par-des- sous ou par-dessus la Manche, les Français affluent sur les falaises de Dover, attirés par la valeur sportive et financière du plus spectaculaire des championnats continentaux.
Sur la lancée du « King Eric » (Cantona), les meilleurs joueurs de l’Hexagone n’hésitent plus à traverser le Channel, pour le plus grand plaisir des suppor- ters anglais. Ce soir, ils sont neuf du « Groupe France » à jouer en Angleterre, sans oublier les expériences récentes de Fabien Barthez, Olivier Dacourt ou Steve Marlet, qui viennent se rajouter à la future destination du sélectionneur lui-même, Jacques Santini, en route pour Tottenham dès la fin de l’Euro. Autant dire que l’opposition de ce soir ne mettra pas aux prises deux sélections inconnues. Si la dernière confrontation entre les deux pays datent du 2 septembre 2000 (1-1), les joueurs, eux, se connaissent par cœur.
Reportage au Portugal : Yves Tainturier