France : l’arbre qui cache la forêt
En concédant, dans la douleur et avec un brin de chance, le nul contre la Croatie (2-2), jeudi, les Bleus n’ont rassuré personne et devront montrer un autre visage contre la Suisse, lundi, s’ils veulent poursuivre l’aventure au Portugal.
Avec deux buts dans le temps additionnel contre les Anglais, un but contre son camp de Tudor et un autre de David Trezeguet après avoir touché le ballon de la main, contre la Croatie, sans oublier l’occasion en or manquée par Mornar à la dernière minute, les Bleus ne peuvent pas dire qu’ils ne sont pas vernis. Certes, ils ont déjà eu deux penalties contre eux mais, sur l’ensemble des deux rencontres, force est de constater que les hommes de Jacques Santini, avec une victoire et un nul, sans sortent plutôt bien et le sélectionneur français de déclarer à l’issue de la rencontre face aux Croates : «c’est deux points de perdus dans l’optique de la qualification mais c’est un point de gagné si on prend le fait que l’équipe de France n’a pas voulu être plus humiliée qu’el- le ne l’a été durant 20’ en seconde période.»
Une défense malmenée
Soit, mais il ne faut pas se voiler la face, les Bleus ne tournent pas rond. Même si la possession de balle a été en faveur des Français (54 % contre 46 %), la prestation contre la Croatie n’est pas rassurante à quelques jours de disputer un match décisif contre les Suisses.
En défense, Jacques Santini avait décidé de titulariser Marcel Desailly en défense centrale avec Lilian Thuram et de mettre Mikaël Silvestre et William Gallas dans les couloirs.
Un 4-4-2 à revoir
Quatre vingt dix minutes plus tard, le sélectionneur des Bleus concédait que «la défense s’est faite secouée» et d’ajouter : «s’il y a des analyses individuelles à faire, il faut les replacer dans l’analyse collective. Quand vous laissez jouer l’adversaire sur ses points forts, vous le payez cash.» Si la défense a été malmenée pendant les 20 premières minutes de la seconde période, c’est aussi le milieu de terrain qui a donné de la bande avec de nombreux ballons perdus et un replacement collectif qui a souvent laissé à désirer et ce n’est pas Jacques Santini qui dira le contraire : «en ayant ouvert le score contre une équipe compacte et bien organisée, si on avait pensé au replacement collectif je pense que, non seulement la Croatie aurait eu du mal à revenir au score, mais les ballons de contre auraient été mieux utilisés.» Acceptons-en l’augure… Peut-être aurait-il été préférable de titulariser Robert Pirès au lieu de Sylvain Wiltord peu en vue contre les Croates. Peut-être que le 4-4-2 a également fait son temps et qu’il serait temps que Jacques Santini trouve une nouvelle formule. Mais du temps, les Bleus n’en n’ont pas vraiment et c’est bien là le plus ennuyeux.
Des attaquants qui inquiètent
Et l’attaque ? C’est incontestablement le secteur de jeu le plus inquiétant depuis le début de l’Euro. Thierry Henry n’arrive pas à trouver ses marques et David Trezeguet a trop souvent tendance à “monter sur les pieds” de “Titi” Henry. «On sait que nos deux attaquants ont besoin de circonstances différentes de ce que les équipes leur proposent depuis le début de la compétition», explique Jacques Santini.
Si David, avec de la chance… et la main, a trouvé le chemin des filets, Thierry Henry, le meilleur buteur du Championnat Anglais, est une nouvelle fois resté muet et semble manquer de jus.
Le sélectionneur des Bleus en est conscient mais ne veut pas dramatiser : «si on fait le parallèle avec le nombre de passes et de buts avec Arsenal, c’est effective- ment un constat très précis que de dire que Thierry n’est pas en forme optimale. Maintenant, mon analyse concernant l’attaque et “Titi” est la suivante, il faut considérer la valeur individuelle et collective de l’adversaire. Aucune équipe va nous laisser jouer sur nos points forts.» Des adversaires de qualités ? Des joueurs majeurs fatigués par leur saison? Un manque d’humilité ? Une décompression après le match contre l’Angleterre ? «Trop de suffisance» comme l’a déclaré Dado Prso, l’attaquant de Croatie ? Sans doute un peu de tout cela. Toujours est-il que les Bleus, contre les Suisses, devront trouver la bonne carburation et ôter “le frein à main”, sous peine d’un retour prématuré en France et laisser l’impression d’un énorme gâchis. Fort heureusement, nous n’en sommes pas encore là !
Reportage au Portugal : Yves Tainturier