Philippe Lucas : « Laure a mûri »
On ne tire jamais un trait sur une histoire comme la leur, qui dépasse les limites des bassins. Ce week-end, Philippe Lucas s’est largement exprimé sur la rentrée de Manaudou, son nouveau club et son envie retrouvée. Il a également confié qu’il aurait pu arrêter sa carrière d’entraîneur si sa nouvelle prodige, Camelia Potec, avait stoppé la sienne après Pékin.
L’aventure s’était terminée en mai 2007. Un an et demi déjà que Philippe Lucas et Laure Manaudou ne partagent plus le même bassin, que leurs routes se sont séparées. Mais on n’efface pas ainsi sept années de collaboration, de confidences, de complicité, d’échanges et d’émotions, qu’elles soient douloureuses ou joyeuses. A Saint-Dizier, ce week-end, l’ancien entraîneur de la championne française n’a pas pu s’empêcher de revenir sur leur histoire, sur ces liens tissés bien au-delà des lignes d’eau.
Son ex-protégée, il la connaît par cœur et il a beau avoir feint de ne pas trop s’en être occupé ces derniers mois, il a guetté. « Elle devient une adulte et surtout, il n’y a plus ce poids des Jeux. Tant qu’elle était avec moi, elle vivait bien, parce qu’elle savait qu’elle faisait ce qu’il fallait et que j’étais là quand il y avait des soucis. Après, elle s’est retrouvée un peu seule et il y avait cette échéance qui arrivait. Elle avait des repères à l’entraînement et elle savait très bien qu’aux Jeux, elle ne serait pas forte… »
Philippe Lucas n’a pas changé, Laure Manaudou ou pas, il n’a rien perdu de sa gouaille et de son franc parler. Rien changé de ses ‘’blings blings’’ aux mains, autour du cou, de son marcel jaune poussin. Mais il a sans doute mûri, lui aussi, en dix-huit mois de séparation. On apprend beaucoup de ce genre de chose.
Ces deux-là se reparlent, analysent, partagent de nouveau, sur des bases plus saines. Au bord du bassin du Centre Nautique, ils ont fait plus que se croiser. «On a parlé de nos vies, plus que de natation», a déclaré Laure Manaudou en fin de réunion. «On s’est revus comme amis. Bon, oui, il m’a dit que j’aurais pu aller plus vite sur le 100 m nage libre…». L’une des nombreuses clés, psychologique celle-là, qui permettront à Laure Manaudou d’accélerer le processus de reconstruction amorcé depuis la rentrée à Marseille.
«En Masters 45 ans et plus…»
« Ça va être une bonne année pour elle. Elle a grandi, mûri, elle prend les choses en main. Elle était très angoissée par Pékin, maintenant elle sait qu’elle ne peut que rebondir. Je suis persuadé qu’elle va faire une très bonne saison. Quoi qu’on en dise, franchement, à Marseille, ils font du bon boulot. Après, Barnier, on aime ou on n’aime pas… Mais c’est un mec qui a des résultats et qui a tout à gagner. J’ai confiance en lui ! » Les deux hommes se respectent, ils se sont du reste rencontrés pendant le week-end, comme pour mieux enclencher le passage de relais. Philippe Lucas, dans son bassin de Canet, est passé à autre chose. A Camelia Potec, en fait, une autre championne, Roumaine cette fois, qui a failli arrêter sa carrière après Pékin avant de se raviser, et dont il n’a eu de cesse de vanter les mérites et les qualités.
«Potec, tu ne peux plus entraîner après. Tu te fais ch… C’est pro, du plaisir tous les jours. C’est la nageuse idéale. La gentillesse-même. Elle sait pourquoi elle nage, sait ce que c’est d’avoir mal», assure-t-il. «Laure aurait pu beaucoup apprendre de Camelia… C’est la vie… Mais peut-être qu’un jour, je la ré-entraînerai en Masters 45 ans et plus !» D’ici là, Philippe Lucas aura peut-être changé de rayon. «Peut-être que si Camélia avait arrêté, j’aurais arrêté aussi… Mais qu’est-ce que je peux faire d’autre que de la natation ?»
Sûr qu’il a d’autres projets sous le coude, Philippe Lucas. A commencer par une reconversion à temps plein dans une sphère médiatique qu’il côtoie désormais régulièrement. «Tenez, justement, je vais faire l’émission Attention à la Marche et participer à un genre de concours devant un jury composé de Franck Duboscq, Florence Foresti, etc. Un auteur a écrit des sketches, on va devoir proposer de les jouer. Déjà à l’école, j’avais du mal à apprendre une récitation, alors là…» Philippe Lucas ne recule devant aucun défi. Pas même celui, pourquoi pas, d’aller entraîner en Roumanie. «Peut-être qu’un jour ou l’autre, oui, j’irai là-bas… »
Delphine Catalifaud