Alain de Senne : « Comme un prêcheur américain »
Depuis 20 ans, Alain de Senne apporte sa “patte” dans à peu près tous les sports. Le Nantais est le speaker de l’équipe de France depuis le début du Mondial. Malgré sa riche carrière, il s’avoue bluffé par l’ambiance « phénoménale ».
Le Journal de la Haute-Marne : Vous attendiez-vous à une telle ambiance durant ce Mondial ?
Alain de Senne : « Ce qui s’est passé à Nantes, notamment, ce n’est pas une surprise. Je suis originaire de là-bas et le “H”, je connais bien. Il possède déjà un beau public de handball. En revanche, on est très agréablement surpris que l’ambiance soit forte tout de suite et pas uniquement sur les matches de l’équipe de France. Globalement, ce Mondial, c’est plus fort que ce que j’imaginais. C’est phénoménal, oui, que ce soit dans l’accueil du public comme dans l’organisation. »
JHM : Entre Bercy, Nantes et Lille, qu’est-ce qui vous a le plus impressionné ?
A. S. : « Nantes, c’était déjà une grosse claque. Lille, ça a été gigantesque. Une vraie prouesse technique, malgré les courants d’air et le froid. Les joueurs sont restés très longtemps sur le terrain après les matches. Ils ne voulaient plus partir. »
JHM : Ce retour à Bercy, où l’on passe de 28 000 à 16 000 spectateurs, peut-il paraître fade ?
A. S. : « Non, on va s’y retrouver parce que ça résonne. Ce n’est pas comme à Lille où résidait l’inconnue du son. On était dans un stade. D’ailleurs, sur un des quarts de finale sans la France, on s’était dit »il ne va y avoir personne. On était 16 000 mais ça paraissait vide vu la taille de la salle. Pourtant, 16 000, pour du handball, c’est déjà juste énorme. »
JHM : En quoi l’ambiance est-elle différente de celle observée dans les autres sports co que vous suivez ?
A. S. : « En basket comme en handball et en volley, on peut intervenir, ambiancer. Mettre sa “patte”. Les matches vont vite, c’est de l’attaque/défense. Les gens ne s’ennuient pas. Le foot et le rugby, c’est différent. Cela m’intéresse moins car il y a peu d’interaction avec le public. Ce sont les supporters qui font l’animation. Quand je suis arrivé dans le sport, avec Charles Biétry, au PSG omnisports (basket, foot, handball, volley et rugby à XIII), j’ai cherché à apporter quelque chose de neuf. J’ai incorporé du son, ce qui n’existait pas. On était dans la compil’ et le commentaire pur. On annonçait les compos et on filait sur un banc. Un match, c’est vivant, c’est un spectacle. »
«Toujours un foulard»
JHM : Vous aussi, vous entrez dans l’arène. Le trac, vous connaissez ?
A. S. : « Le trac, il est vis-à-vis de moi-même. Il faut occulter le stress des autres et le gigantisme de l’événement. Seule ma performance me préoccupe. Car quelque part, notre rôle est important. Il est de rythmer la rencontre. On est comme un prêcheur américain, qui doit emmener son public vers l’état d’euphorie. Une fois ce point atteint, ce public part tout seul. »
JHM : Vous êtes partie prenante des succès des Bleus, alors ?
A. S. : « Ce n’est pas grâce au speaker qu’une équipe gagne. Mais quand même. Je pense qu’on peut jouer un rôle pour remettre un groupe sur les rails. Mardi, contre la Suède, il y a eu un moment de doute, à la fois de l’équipe de France et du public. On l’a senti. On a rallumé la mèche et tout le monde s’est relevé ! »
JHM : Niveau émotions, pour vous aussi ça doit être costaud, non ?
A. S. : « On doit se contrôler. C’est dur, parce que des fois, on a envie de partir, de se laisser aller. La fédération internationale veille à ce que ça n’arrive pas. »
JHM : Les joueurs de l’équipe de France viennent-ils vous voir ?
A. S. : « Je les connais tous. Ceux du PSG, je les vois tout le temps. A l’échauffement, des gars comme Niko (Karabatic), Luc (Abalo) ou Accambray me font parfois un clin d’œil. Mais ce n’est pas le moment d’aller faire le “kakou” et de leur taper dans le dos. »
JHM : Trois semaines de compétition, c’est du sport. Comment gérez-vous ?
A. S. : « Je fais surtout gaffe à ma voix. Elle est très sollicitée. Je porte toujours un foulard. Pour la vie de famille, c’est beaucoup plus compliqué. Mon père était chef étoilé à Nantes, alors cette vie de famille, je ne l’ai de toute façon déjà pas eue étant gamin. »
JHM : La chaleur des salles tranche singulièrement avec la quasi-indifférence, dans la rue. Cela vous frustre-t-il ?
A. S. : « Il y a déjà une belle médiatisation, mais il faut attendre les quarts de finale pour que TF1 diffuse les matches. Un jour, il faudra que quelqu’un choisisse de mettre le paquet sur ce sport. Quand je vois que L’Equipe 21 diffuse de la pétanque à longueur de journée, pourquoi pas du hand ? »
JHM : Avez-vous prévu des surprises pour la finale ?
A. S. : « Il y a une cérémonie de clôture que les organisateurs annoncent grandiose mais on doit la garder secrète. Pour le reste, en ce qui concerne les speakers, c’est calé. On doit respecter un certain protocole. En revanche, cela va être une fête monstrueuse. »
Propos recueillis par Delphine Catalifaud