Axel Clerget : « J’ai pris de la maturité »
Axel Clerget est revenu hier sur sa médaille de bronze acquise jeudi, aux Mondiaux de Tokyo. D’autant plus sublime qu’elle confirme celle, du même métal, obtenue en 2018. Le Haut-Marnais établi à Sucy-en-Brie savoure l’instant présent. Après quatre mois de blessure, il sait qu’il revient de loin.
Le Journal de la Haute-Marne : Deux médailles de bronze en deux ans aux Mondiaux. Y’en a-t-il une plus savoureuse que l’autre ?
Axel Clerget : « Elles sont complètement différentes. L’an passé, j’étais dans la surprise, dans l’euphorie. Tout me réussissait. Je lançais une attaque et je faisais tomber. Cette fois, j’ai obtenu la médaille plus dans la difficulté. J’ai dû m’employer. Vu le contexte, mes attaques étaient moins rapides. Mais elles ont été plus efficaces. Ce podium est une confirmation. Entre l’an passé et cette année, nous ne sommes que quatre athlètes à “doubler”. C’est dire la densité des catégories. »
JHM : Après plusieurs mois très compliqués, la faute à une grosse déchirure des adducteurs, vous attendiez-vous à être aussi en forme physiquement ?
A. C. : « Oui, j’avais senti un impact incroyable depuis environ trois semaines. J’ai réussi à inverser la tendance sur mes combats, malgré les pénalités. J’ai marqué lors des fins de combats. En revanche, contre Van T End, contre qui je perds en quarts de finale, je n’avais plus du tout de jus. Dès le début du combat, j’avais des crampes dans la main gauche. Je ne pouvais ni poser, ni accélérer. Je n’ai donc pas réussi à l’entamer et au final, il est frais quand il le faut pour attaquer. Sans la pause de deux heures avant les repêchages, j’aurais été cuit. Je me suis bien alimenté, bien réhydraté. Et la machine est repartie. »
JHM : Quel travail mental vous conduit aujourd’hui à être si fort notamment dans les fins de combats qui vous ont si souvent coûté cher ?
A. C. : « J’ai changé mon approche, ma mentalité. Au stage à Houlgate, avant les Mondiaux, j’ai senti que ça basculait. Je suis dans l’instant présent. Là où avant, j’aurais pris la pénalité de trop en fin de combat, ou la contre-attaque qui me met par terre, j’ai inversé la tendance. C’est moi qui ait fait faire les erreurs à mes adversaires. J’ai pris de la maturité. J’ai aussi remis de l’ordre dans ma vie, dans les sollicitations médiatiques ou des partenaires aussi. En m’éparpillant, je me suis éloigné de mon projet sportif. J’ai recentré les choses. Désormais, j’ai deux priorités : la concentration et le kumikata. C’est épuisant. Mais payant ! »
JHM : Mal embarqué au premier tour contre le Britannique Chamberlain (deux shidos à 0), vous auriez pourtant pu vite voir l’aventure se terminer… La pause médicale pour saignement a-t-elle lancé votre journée ?
A. C. : « Tout le monde m’a posé cette question ! Il paraît qu’on a vu un autre Axel sur le tapis ensuite… Moi, je n’y ai pas pensé. Disons que j’ai profité de cette pause pour me calmer et prendre mon temps. Je n’y étais pas ! »
« Sherazadashvili était le cador »
JHM : Quel a été le moment le plus fort de votre journée ?
A. C. : « Certainement ma victoire contre le N°1 mondial, au deuxième tour. Sherazadashvili n’a quasiment pas perdu cette saison. Il arrivait à Tokyo comme le cador de la catégorie. C’est une grosse performance. Même si je n’ai rien laissé paraître, intérieurement, après ce combat, je bouillonnais. C’était la folie. Ce début de Mondiaux était un piège. Je ne suis pas tombé dedans. »
JHM : Sans votre coach, Christophe Massina, suspendu lors du match de la troisième place, comment avez-vous géré le combat ?
A. C. : « J’aurais pu avoir quelqu’un d’autre pour le remplacer. J’ai décidé que non. J’étais tellement concentré sur mon objectif et mon combat que cela aurait pu me déséquilibrer. En d’autres temps, son absence m’aurait fait paniquer. Comme mon kimono déchiré, contre Sherazadashvili, ou mon saignement, face à Chamberlain, en début de Mondiaux. J’ai grandi. »
JHM : Vous êtes une fois encore le premier médaillé français des Mondiaux, comme l’an passé. Un nouveau grand pas vers la sélection olympique, ici-même, dans un an, non ?
A. C. : « Oui, c’est clairement un très, très grand pas ! On n’a jamais vu un médaillé mondial passer à côté d’une sélection olympique. Mais maintenant, il faut consolider ce que j’ai fait. Et surtout éviter la blessure qui ficherait tout par terre. »
Propos recueillis par Delphine Catalifaud
d.catalifaud@jhm.fr