Axel Clerget : « Les Jeux, j’en rêve depuis quinze ans ! »
Dimanche 21 mars 2021, le judoka Axel Clerget était de passage à Marnaval. Il en a profité pour s’entraîner au dojo de ses débuts. Victime d’un gros KO en janvier, à Doha, qui a entraîné une terrible commotion cérébrale, le Haut-Marnais travaille pour retrouver la forme et préparer LE défi de sa carrière sportive, les Jeux olympiques de Tokyo, cet été.
Le Journal de la Haute-Marne : Pourquoi ce retour sur vos terres pour une séance dominicale ?
Axel Clerget : « Je suis rentré en Haute-Marne pour des raisons personnelles. Malgré tout, je voulais maintenir un entraînement, car je suis dans mon évolution au niveau de ma commotion. Je revois le neurologue demain (aujourd’hui), j’avais donc besoin d’avoir des éléments nouveaux. Je suis sur une belle progression depuis quinze jours et je suis content de cela. Il y a encore des étapes à franchir avant de reprendre progressivement les combats sur l’Insep et j’avais besoin de reprendre des automatismes, de faire chuter, d’avoir confiance en moi et d’être capable de chuter. C’était un peu le thème de la séance, même s’il n’y en a pas eu beaucoup. J’ai pris un vrai plaisir. C’est trop cool d’être à Marnaval ! Retrouver d’où je viens, cela fait du bien. On a tous le moral un peu en berne en ce moment et cela m’a vraiment ressourcé. Revenir dans ce dojo où j’ai fait mes premiers pas, franchement j’étais tout ému au début. »
JHM : Comment allez-vous depuis votre KO à Doha en janvier ?
A. C. : « Cela va vraiment mieux. Cela a été une des blessures les plus compliquées de ma carrière. Elle est “cachée”, et cela touche le cerveau. On ne sait pas ce que cela peut donner à la longue. On ne peut rien faire. Même monter des marches cela me faisait mal à la tête. »
JHM : Pouvez-vous faire des séances normales ?
A. C. : « Celle d’aujourd’hui (hier) est la plus belle que j’ai fait depuis deux mois. Il y a l’environnement aussi. Etre dans le dojo de Marnaval cela joue, notamment sur le moral. De jour en jour cela évolue. Cette séance est presque normale sur le plan technique. On voit que je suis encore essoufflé, que j’ai besoin de faire des pauses, car le corps n’est pas encore habitué, mais j’ai pu chuter sur quasiment tous mes mouvements, il y a eu un peu d’opposition au sol. La prochaine étape, c’est les combats, c’est quand même l’étape la plus importante. »
JHM : Suivez-vous un programme particulier ?
A. C. : « J’ai un programme assez lourd en rééducation, avec notamment énormément d’examens médicaux. J’ai également dû repartir très progressivement au niveau physique, pour remettre en route mon corps. J’ai une nouvelle équipe derrière moi. »
JHM : Avez-vous eu de l’appréhension lors de votre reprise ?
A. C. : « Plusieurs fois. Au début, je n’étais pas capable de faire quatre minutes de vélo. Forcément, la fois d’après, quand tu repars sur quatre minutes de vélo, tu as un peu peur. Au début, sur un petit footing, j’ai eu la tête qui tournait, envie de vomir toute la nuit et cela pendant quasiment cinq jours. »
« Le report des Jeux m’a fait mal »
JHM : Vous êtes encadré par des spécialistes. C’est important et rassurant ?
A. C. : « Bien sûr. Une fois que j’ai réussi à avoir toute cette équipe autour de moi, cela a été rassurant. Cela a mis un peu de temps, car il faut faire le tri dans tous les symptômes, car il y en avait beaucoup et aussi parce que c’est un sujet encore assez vague en France. Certains pays sont peut-être un peu plus en avance. J’ai essayé d’aller m’inspirer de certaines équipes pros et de certaines équipes étrangères car on n’est plus qu’à quatre mois des Jeux. »
JHM : Votre plus gros ennemi n’est-il pas votre corps ?
A. C. : « Clairement ! Mon plus gros ennemi, c’est moi et mon corps. Ma plus grosse difficulté, à l’heure actuelle, c’est de gérer mes blessures. Je n’oublie pas qu’il y a des gros adversaires au niveau mondial et les mecs s’entraînent alors que moi, malheureusement, je suis un peu à l’arrêt. Je travaille autre chose. En un an, le report des Jeux m’a fait mal. Confinement, pubalgie de cinq mois, la covid-19 pendant un mois et, derrière, deux mois minimum d’arrêt pour une commotion, cela fait beaucoup ! »
JHM : Allez-vous faire quelques sorties en compétitions avant les Jeux ?
A. C. : « Oui. Une ou deux. On va voir comment j’évolue. Il y en aura forcément. Il y a un besoin de retrouver cette adrénaline, pouvoir s’évaluer vraiment. Il faut aussi laisser du temps de travail. Il faudra trouver le juste milieu et le bon équilibre pour être à 100 %. Je m’adapte et je m’appuie sur mon expérience. »
Le judo « c’est une école de la vie »
JHM : Les JO de Tokyo sans spectateurs venus de l’étranger, vous en pensez quoi ?A. C. : « Clairement, de la tristesse. C’est quelque chose de difficile. Je voulais faire vivre les Jeux à tout mon entourage. J’avais vingt à trente personnes autour de moi qui venaient à Tokyo… J’étais heureux de faire découvrir le Japon à ma famille et mes amis. Tout était réservé et pour moi c’était la fête. Les Jeux, je rêve de cela depuis quinze ans. Je suis passé à côté deux fois. Je ne vivrais pas les Jeux comme j’en ai rêvé. Cela m’obligera peut-être à pousser jusqu’en 2024 ! »
JHM : Mélanie Clément sera-t-elle aux Jeux avec vous ?
A. C. : « Je l’espère ! Je le souhaite. Mélanie, elle a un parcours incroyable. Elle ne fait qu’évoluer, peut-être pas assez vite pour certains, mais elle travaille énormément pour cela. Elle fait tout pour y être. Il y a quelqu’un de très forte qui arrive dans sa catégorie en deux ans, qui a eu des résultats incroyables. J’espère qu’elle arrivera à passer ce dernier cran pour être encore plus forte et aller chercher cette qualification. Il y aura une autre Haut-Marnaise, Anaïs (Michel, en haltérophilie), que je croise régulièrement. »
JHM : Quel est votre message pour que les jeunes fassent du judo ?
A. C. : « Venez ! C’est une belle école de la vie. Je me suis construit avec le judo, en tant qu’homme. On a besoin de lien social. Je suis fier de Marnaval et de la Haute-Marne. On peut ne pas être sur le tapis, mais il y a plein de choses à travailler. Il y a ce lien social qui manque à tout le monde. Ne vous isolez pas. »
JHM : Le judo pourra-t-il se relever de cette pandémie ?
A. C. : « Cela va être dur. C’est un sport de contacts, forcément cela fait un peu peur, mais on peut se réinventer. Le judo, c’est la voie de la souplesse, à nous d’être souple dans l’esprit, peut-être pour pouvoir aller chercher de nouvelles solutions comme le fait Marnaval et d’autres clubs. Oui, on peut se reconstruire en attendant que le virus soit derrière nous et que l’on puisse tous reprendre ensemble. »
Propos recueillis par Yves Tainturier