Mélanie Clément : « je suis encore là »
Mélanie Clément a conjuré le mauvais sort, hier, à Lisbonne, au championnat d’Europe. Non sélectionnée pour les Jeux, cet été, la Marnavalaise a enfin obtenu sa première médaille en grand championnat. Sacrée championne !
Souvent placée, jamais sur le podium d’un championnat d’Europe ou des Mondiaux. Tel pouvait être l’étiquette collée sur le kimono de la Marnavalaise Mélanie Clément. Que de déceptions passées et des cinquièmes places qui laissent un mauvais goût dans la bouche (5e aux Mondiaux de Tokyo, en 2019, comme à l’Euro 2018 et 2020). La dernière en date avant le voyage au Portugal, pour ce championnat d’Europe, fut sa non-sélection pour ses premiers Jeux olympiques, à Tokyo, elle qui dominait il y a un an de la tête et des épaules la catégorie des – 48 kilos en France et était régulièrement dans le Top 5 mondial.
Amère avant de décoller pour Lisbonne, et pas préparée physiquement et surtout psychologiquement pour un grand championnat, Mélanie Clément a mis de côté durant une journée l’immense déception qu’elle a en elle. Saleté de Covid… On ne va pas refaire l’histoire et Shirine Boukli représentera la France, en – 48 kg, au Japon. Mais hier, Mélanie Clément a montré qu’elle était une championne. Avec un “C” majuscule. Si ses combats n’ont pas donné lieu à des “ippons” de grande volée, et qu’ils ont été tous assez longs, la protégée de Francis Clerget, coachée par Séverine Vandenhende pour l’occasion, a globalement maîtrisé son sujet, malgré des attaques qui n’ont que peu été couronnées de succès. Que cela soit contre la jeune Turque Sahin, qui n’a jamais porté d’offensive, et qui a été battue sur un “waza-ari” au bout du bout du “golden score”, Rishony, une Israëlienne, en repêchage, ou la Russe Dolgova, en place de “3”, tout a été arraché de haute lutte au bout d’une longue journée. « C’était une journée de dingue. J’ai commencé sur un gros combat où je n’en voyais pas le bout. Et puis je n’avais pas de sensation. Je n’ai pas réussi à être assez dynamique, je manquais de précision. J’ai fait avec les moyens du bord. Je n’ai pas pratiqué le judo que j’espérais. Mais peu importe la manière tant que la médaille est là », analyse la judoka de Marnaval Saint-Dizier. Cette dernière n’a pas explosé de joie après son succès. La dramaturgie a été à son paroxysme dans le “golden score” du dernier combat, avec une épaule touchée. Mais Mélanie n’a pas flanché et a été au-delà de la douleur. « Sur cette action, j’ai vraiment eu peur que l’épaule sorte. Je n’étais pas dans une position agréable. Cela a “tiré”, mais il y a eu plus de peur que de mal », poursuit la guerrière.
« Une satisfaction et une revanche »
La N°1 française à la “ranking list” n’a bien évidement pas encore digéré la décision fédérale. « Je prends cette première médaille, même si je pense qu’elle arrive un petit peu tard (Mélanie aura 29 ans le 3 mai). J’aurais aimé qu’il en soit autrement. Les choses sont ainsi faites. Il fallait que je rebondisse. J’ai réussi à montrer que je suis encore là. Et cette fois, je suis sur la “boîte” », explique Mélanie Clément, qui a mis son travail de côté depuis plusieurs années pour vivre son rêve olympique. « Même si je n’étais pas au top de ma forme, j’ai beaucoup osé, tenté. C’est ce que je retiens de cette journée. J’ai réussi à me lâcher. Ce que j’ai travaillé techniquement commence à venir. Je me suis fait plaisir. Sur la place de “3”, il me manque pas grand-chose pour la faire tomber. J’étais dans le relâchement. C’est positif. Car entre l’annonce de la sélection tardive, le peu d’entraînement, cette médaille était très importante. C’est une satisfaction et une revanche par rapport à tous ces championnats où je suis restée au pied du podium. Je garde le positif. On verra le négatif pour la suite de la préparation. Je vais savourer cette médaille. Et on verra après. »
Francis Clerget : « Mélanie a de quoi être fière »
Pour son coach marnavalais, Francis Clerget, très heureux, « Mélanie a bien géré les combats, notamment le dernier, malgré une pénalité de retard. Elle était calme, posée et elle a fait craquer la Russe, avec aussi un passage au sol qui aurait pu faire mouche. Elle a passé des moments très difficiles, mais je trouve que le staff des Bleus l’a mise tout de suite en confiance en la sélectionnant pour l’Euro. Et Mélanie a répondu présente. J’ai un petit regret en quart de finale car elle s’est précipitée contre la Russe Giliazova, finalement troisième hier derrière Bilodid et Krasniqi, les deux plus fortes, au “golden score”, avec une fausse attaque. Elle n’est pas encore efficace, mais elle en a sous le pied. Elle domine l’Israëlienne, 13e mondiale, et la Russe Dolgova, 10e. Pour moi, elle est à sa place », explique l’intéressé, tout à sa joie. « On attendait cette médaille depuis un petit moment. Mélanie se focalisait sur la peur de perdre, de ne pas se rater. Aujourd’hui, avec moins de pression, elle a réussi. Et ce n’est pas fini car il reste les Mondiaux, à Budapest, début juin, avec toujours les Européennes qui dominent la catégorie. C’était à quitte ou double cette compétition. Et Mélanie, si elle n’a pas explosé de joie, car c’est encore bloqué dans la poitrine, a de quoi être fière », enchaîne Francis Clerget. Sa protégée va désormais avoir quinze jours de repos avant d’attaquer sur les Mondiaux, son prochain objectif. Mais laissons la savourer cette première “breloque” de bronze qui fait son bonheur.
Nicolas Chapon