80 Ukrainiens exfiltrés et hébergés à Colombey-les-Deux-Eglises
Ukraine. Une opération haut-marnaise en soutien aux Ukrainiens est en cours. Menée par quatre agriculteurs de la société AgroKMR, elle permet d’exfiltrer 80 épouses et enfants de salariés agricoles. Un réseau de solidarité s’est mis en place avec les clubs services de Chaumont, la commune de Colombey et le propriétaire de l’hôtel Les Dhuits.
Depuis ce lundi 14 mars, une opération d’exfiltration d’environ 80 Ukrainiens est en cours entre la Haute-Marne et la région de Dniepropetrovsk ; région située aux portes du Donbass et à 180 km de Donietsk en zone pro-russe.
Cette opération spectaculaire et unique en son genre est menée par des agriculteurs haut-marnais de Rochefort-la-Côte, Mennouveaux et Brainville-sur-Meuse. Avec la société AgroKMR, Jean-Paul Kihm, Jean-Loup Michel et Alan et Florent Renard sont implantés en Ukraine depuis plus de 15 ans. Ils y cultivent des céréales et des oléagineux sur 20 000 ha et emploient 90 collaborateurs.
Pour tous, l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine a été une déflagration. Dans un premier temps, ils ne voulaient pas y croire. Ensuite, ils ont été sonnés et aujourd’hui, les agriculteurs mènent une opération de solidarité sans précédent pour sauver les familles des hommes mobilisés à la guerre ou restés pour cultiver les terres.
Evacuation des femmes et des enfants
La semaine dernière, Jean-Paul Kihm racontait : « jusque-là, la région était calme mais les troupes russes avancent et la zone où se trouve les terres d’AgroKMR semble être le point de rencontre des différents mouvements militaires. Les habitants commencent à avoir peur et les salariés qui travaillent chez AgroKMR sont inquiets pour leurs familles ». Ces derniers témoignent : « les Russes tirent sur les villes et les villages sans discernement. Nous sommes plus en sécurité à la ferme ou dans les champs ».
Face à une situation qui se dégradait de jour en jour, les membres d’AgroKMR ont donc proposé aux salariés d’organiser une évacuation des femmes et des enfants ainsi que de leurs proches. Une liste a été ouverte et ils sont environ 80 (le chiffre sera précisé à leur arrivée) à avoir exprimé le désir de quitter le pays.
L’exfiltration a débuté lundi. Elle se déroule selon un procédé simple mais dangereux sur le sol ukrainien. Des bus ont été affrétés en Ukraine par les agriculteurs haut-marnais. Ils ont été remplis de passagers et sont partis vers la frontière polonaise. Dans le même temps, d’autres bus sont partis de la Haute-Marne pour la Pologne à la rencontre du groupe pour ramener femmes et enfants en France, plus précisément à Colombey-les-Deux-Eglises.
Dons et accueil
Le point de jonction a eu lieu ce mardi 15 mars, à 18 h. Jean-Paul Kihm explique que « le bus a roulé mieux que prévu en Ukraine ». Après des négociations avec la douane afin d’entrer en Ukraine, les bus sont entrés en communication. Les uns pour décharger des colis venus de Haute-Marne et faire de la place aux réfugiés. Les autres pour charger les colis avec l’aide des salariés qui accompagnaient le convoi des exfiltrés depuis la ferme jusqu’à la frontière.
Ces dons collectés par les clubs services chaumontais seront acheminés dans la région de Dniepropetrosk et confiés à Oleg Chouprina, un ami des agriculteurs qui est président de la communauté d’agglomération de Pavlograd et en relation directe avec les autorités civiles et militaires du secteur.
Pour Jean-Paul Kihm, il était important que « les dons soient acheminés très rapidement, sans intermédiaires et au plus près des besoins ».
Après des séparations cruelles et des adieux déchirants, ces hommes qui ont sécurisé le convoi sont repartis sur le terrain de guerre, sans la certitude de revoir un jour leur famille.
Après une pause de 11 h due aux obligations faites aux chauffeurs français, le convoi de réfugiés est reparti. Ce jeudi 17 mars, il arrivera à Colombey-les-Deux-Eglises dans la journée. Femmes et enfants pourront alors prendre possession de l’hôtel des Dhuits.
Frédéric Thévenin
Pour les relogements
La Préfecture gérera le relogement après avoir collecté les offres privées et publiques de logements. Le logement chez l’habitant ne sera pas retenu. Différentes aides financières permettront aux réfugiés une certaine autonomie.
Plus généralement, la Préfecture suit l’opération de près. Ses services se déplaceront à Colombey pour effectuer les formalités administratives obligatoires. Un bilan médical sera réalisé pour chacun. L’ordre des médecins a été saisi.
Un véritable élan de solidarité
Très rapidement, pour les membres de la société AgroKMR, s’est posé la question de l’hébergement des réfugiés en Haute-Marne. Pour avoir été membre du Lions Club Chaumont Donjon pendant plus d’une décennie, Jean-Paul Kihm connaît le fonctionnement des clubs services et « leur attachement à accompagner les projets humanistes et humanitaires ».
Il s’est donc tourné vers eux « non pas pour financer l’opération mais pour, au-delà de la collecte de dons, trouver, au travers de leurs réseaux, des logements en Haute-Marne pour accueillir le groupe ».
Or, François Jehlé, propriétaire de l’hôtel des Dhuits, à Colombey, avait justement proposé le site à la Préfecture estimant qu’il conviendrait parfaitement. Au bout du compte, l’hôtel est mis à disposition durant deux mois. Jean-Paul Kihm précise : « il faudra ensuite trouver d’autres logements mais cela permettra d’accueillir un groupe important dans des conditions idéales ».
A noter que la commune de Colombey est pleinement mobilisée pour cet accueil. Pascal Babouot, le maire, a déjà trouvé trois interprètes et des cours de français seront mis en place.