Le frelon asiatique prolifère en Haute-Marne
Président de la Société haut-marnaise d’apiculture, Jean-Marie Mouton constate une prolifération du frelon asiatique en Haute-Marne. Une calamité pour les apiculteurs, dont les ruches sont attaquées.
Un hiver doux, un printemps relativement sec… Les indicateurs étaient au vert et l’année 2020 aura été marquée par la prolifération d’insectes. Qui ne s’est pas plaint des guêpes cet été ? Celles-ci ont été à la fois nombreuses et envahissantes. Les frelons asiatiques sont eux aussi très nombreux. Ils ont gagné du terrain. C’est en cette période que l’on s’en rend compte tout simplement parce que ces frelons à pattes jaunes construisent leurs nids à la cime des arbres, souvent à plus de 10 m de haut. Avec l’automne, les feuilles tombent et on les découvre. « Une dizaine de nids m’ont été signalés par des apiculteurs », observe Jean-Marie Mouton, président de la Société haut-marnaise d’apiculture comptant 160 adhérents. Lui-même a constaté des attaques sur ses ruches, comme il y a deux ans. « Lorsqu’un nid de frelons asiatiques est installé à proximité d’une ruche, celle-ci peut-être décimée en quelques jours », reprend l’apiculteur.
Une pression insupportable
En ce moment, Jean-Marie Mouton estime avoir des signalements « deux fois par semaine ». Selon lui, « la pression du frelon asiatique est cette année devenue insupportable ». Il est inquiet pour le printemps prochain et l’action des reines qui risquent d’essaimer et de créer de nouvelles colonies, plus nombreuses. « Le frelon attaque nos ruches, mais il attaque aussi toute la biodiversité : il s’en prend aux insectes pollinisateurs, aux fruits mais aussi aux récoltes », poursuit Jean-Marie Mouton.
Face à cette menace grandissante et aux inquiétudes qui l’accompagnent, la Société haut-marnaise d’apiculture travaille avec le Groupement de défense sanitaire apicole (GDSA) – un autre syndicat qui gère autant d’apiculteurs haut-marnais – pour établir un plan d’action et apporter des solutions. « Les nids sont vraiment très hauts dans les arbres. Ce qui fait que c’est déjà très compliqué. Aujourd’hui, il est trop tard pour les détruire car les fondatrices ont quitté le nid. » Les destructions pourront reprendre au printemps prochain.
Quelles solutions ?
« Nous sommes en train de voir avec nos adhérents si nous ne pouvons pas nous équiper et nous former », détaille Jean-Marie Mouton. Quelle que soit la méthode choisie, l’investissement sera élevé. La technique la plus efficace semble être celle consistant à injecter un puissant insecticide dans le nid à l’aide d’une très longue perche. « Les services de la préfecture sont au courant », reprend le président de la Société haut-marnaise d’apiculture. Un groupe de travail devrait prochainement voir le jour.
Comme de nombreux apiculteurs, Jean-Marie Mouton n’est pas favorable à l’installation de pièges pour tuer le frelon asiatique : « D’autres pollinisateurs peuvent en faire les frais ! » En revanche, la pose de grilles à l’entrée des ruches au maillage suffisamment serré permet aux abeilles qui passent entre les mailles de prendre suffisamment de vitesse lorsqu’elles décollent de la ruche. Un moyen efficace en attendant mieux.
Sylvie C. Staniszewski
Focus sur le frelon asiatique ?
Vespa velutina nigrithorax. Il s’agit de son nom officiel. Mais on le nomme couramment “frelon asiatique” ou frelon à pattes jaunes. Arrivé en France en 2004, il est présent sur l’ensemble du territoire. Cet hyménoptère dont la taille oscille entre 17 et 32 mm est facilement reconnaissable : à dominante noire, il a une large bande orange sur l’abdomen et un liseré jaune sur le premier segment. Lorsqu’on le voit de face (pour ceux qui ont l’occasion de l’observer de près), sa tête est orange. Autre particularité : l’extrémité des pattes est jaune.
Il tire son nom de ses origines : il vient du Nord de l’Inde et vit en Chine ainsi que dans les montagnes d’Indonésie. En France il est classé dans les espèces invasives et même nuisibles. Depuis le 26 décembre 2012, le frelon asiatique est reconnu comme présentant un danger sanitaire
Des nids à la cime des arbres
Le moins que l’on puisse dire est que cet insecte fait l’unanimité contre lui. Pourquoi ? Essentiellement parce qu’il dévore les abeilles. D’après les estimations des experts, à la campagne, les précieuses ouvrières constituent moitié de son alimentation. Ce glouton friand de protéines et de sucre se délecte aussi des fruits du verger et occasionne d’importants dégâts dans les récoltes. Occasionnellement, il peut piquer, même s’il n’a a priori qu peu d’intérêt pour le genre humain.
Le frelon asiatique construit des nids en forme de grosses boules, la plupart du temps en hauteur, à la cime des arbres, à plus de 10 m d’altitude. Ces nids peuvent être énormes et atteindre plus d’1,20 m de haut ! Ils sont aussi très esthétiques : ce sont de véritables bijoux architecturaux, fabriqués en papier mâché, avec une jolie patine. L’entrée se situe sur le côté du nid, contrairement au frelon européen, qui entre par le dessous. Quand l’hiver arrive, le nid est abandonné. En proie aux affres climatiques, il est arraché par le vent et la pluie. De nouveaux seront construits une fois le printemps venu. La plupart des individus d’une colonie meurent en automne. Les reines, appelées des “fondatrices”, peuvent être plusieurs dizaines par nid. Elles s’apprêtent à entrer en hibernation et donneront naissance à de nouvelles colonies au printemps suivant.
Il existe très peu de prédateurs du frelon asiatique, c’est bien l’un des soucis. Seule la Bondrée apivore, un rapace migrateur rare, est capable de s’attaquer directement aux nids.