En fumée
Sidéré, stupéfait, anéanti, bouleversé, incrédule…Chacun d’entre nous a été tout cela à la fois devant le spectacle de Notre-Dame de Paris en feu. Un combat inégal entre un monument emblématique et ce brasier vorace. L’image de la flèche rongée de l’intérieur par l’incendie, qui se penche inexorablement avant de s’effondrer restera dans toutes les mémoires. L’impact national et international qu’a provoqué ce drame est à la hauteur du symbole que représente le chef-d’oeuvre. Ce n’est pas seulement la chrétienté qui est touchée au cœur. C’est aussi l’histoire de France, c’est la culture de notre pays, qui sont frappées. Ce que les deux grands conflits mondiaux n’avaient pas réussi à faire, une cause apparemment accidentelle y sera parvenue : détruire une bonne partie de l’édifice.
L’événement, considérable, a remis les pendules à l’heure. Au moment où la France se déchire sur les champs politique, économique et social, elle s’est vite rassemblée dans l’affliction. Comme si elle prenait conscience que son patrimoine allait bien au-delà de son attrait touristique. Emmanuel Macron a dû annuler son intervention, une prestation télévisée attendue depuis longtemps. La maintenir eût été incongru. C’est dire que dans une société que l’on dit dominée par les seuls soucis matérialistes, la soif du beau, du spirituel et de la symbolique est toujours là. Hier, sous la pression de l’événement et du spectaculaire, les Français ont inconsciemment établi une nouvelle échelle de valeurs entre l’essentiel et le futile, entre l’éphémère et le temps long.
Il est encore trop tôt pour établir l’ampleur des dégâts. Mais tout le monde s’accorde déjà à dire que Notre-Dame de Paris devra renaître de ses cendres. De l’argent, il y en aura forcément, qu’il vienne de l’Etat ou de fonds privés, français ou étrangers. Du temps, il en faudra. Plusieurs décennies au moins. En attendant, Parisiens et touristes devront côtoyer murs noircis et poutres calcinées. Souvenir terrible d’un certain 15 avril, début de la Semaine sainte.