Repli tactique – l’édito de Patrice Chabanet
Les barrages routiers s’effilochent au fil des jours. Pour les agriculteurs qui les tiennent, nécessité fait loi : ils ne peuvent pas laisser tomber indéfiniment leurs exploitations, notamment chez les éleveurs. La traite des vaches et l’entretien des étables est une obligation quotidienne. Implicitement, cette réalité a pesé lourd sur les négociations entre l’Etat et les syndicats agricoles. Il faut savoir terminer une grève, aurait dit en son temps le leader communiste Maurice Thorez. Soit. Mais il faut prendre conscience qu’on assiste à un repli tactique de la contestation. Certes, elle a obtenu des avancées sur les jachères, sur la mise en sommeil de Mercosur et sur l’utilisation des pesticides. Certes encore, la FNSEA ne s’est pas laissé déborder par la base et a su établir un rapport de forces avec un gouvernement tétanisé par l’idée d’une contagion du conflit à d’autres secteurs, comme les transports routiers.
Mais la trêve reste fragile. La crise a révélé des problèmes de fond que les gains obtenus lors des négociations n’ont pas résolus. C’est tout le modèle agricole, tant français qu’européen, qui est remis en question. Avec des interrogations fondamentales. C’est quoi être paysan aujourd’hui et, surtout, demain ? Comment rééquilibrer de manière viable les rapports entre producteurs et distributeurs ? Comment éviter la récupération politique par des partis extrêmes qui se nourrissent de toute crise ? La réponse n’est pas facile. Trop de contradictions s’invitent dans le débat. Les intérêts des uns et des autres ne sont pas forcément compatibles. Chacun défend son pré carré.